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L’exposition en cours est ouverte du jeudi au dimanche. Vien a zot !

le jardin

Parenthèse ouverte « Hors de notre monde commun »
Tatiana Patchama

Date de création
2022

Dimensions
50 m2 - 4,80 x 10,50 m

Medium
Plantes pourpres pour la grande majorité, arbustes, herbacées et graminées. Quelques plantes dites « toxiques », des plantes couvre-sol. Une multitude d’habitants (chenilles, lézards, escargots, etc.). Une plage pour lézards, 2 micro-bassins pour oiseaux.

Parenthèse ouverte « hors de notre monde commun » *

Installation vivante sur une invitation de Julie Crenn

 

*Estelle Zhong Mengual, Apprendre à voir,  le point de vue du vivant, Actes Sud

 

10 questions que l’on m’a déjà posées à propos de ce jardin.

 

Est-ce que le mot jardin te convient pour parler de cet espace ?

Le jardin est souvent défini comme un lieu clos aménagé ou planté par l’homme à qui l’on attribue une fonction qu’elle soit alimentaire ou décorative. Ici, il s’agit plus d’un espace à penser où ces êtres vivants existent d’abord pour eux-mêmes. Ce jardin d’artiste est voué à évoluer, quand certaines plantes auront poussé, d’autres disparaîtront peut-être par manque de soleil, pendant que de nouvelles espèces viendront s’y installer. En secret je rêve que ce jardin trouve son équilibre et devienne autonome. 

 

Combien de temps as-tu pris pour faire ce jardin ?

Le jardin en lui-même n’était pas vraiment long à planter. Nous avons commencé les plantations (pour la grande majorité) le vendredi 25 mars 2022. Le projet, lui, avait été initié en 2020 lorsque Julie Crenn m’a invitée à créer ce jardin pour l’exposition Mutual Core.  Durant ces deux ans, j’ai passé des mois à ne rien faire si ce n’est que regarder l’espace et ceux qui y habitaient. J’ai passé du temps à m’imprégner, à écouter, ressentir l’espace. Je devais choisir une parcelle parmi les trois, c’était difficile ! 

Je devais faire le choix d’enlever des plantes, de modifier un écosystème pour y installer mon jardin et c’est compliqué de bouleverser des existences même quand elles se font discrètes. Cette parcelle n’a pas été mon premier choix et finalement la rencontre a eu lieu. Ce temps a peut-être semblé long pour certains mais pour moi c’était un moment de contemplation toujours nécessaire.

 

Comment as-tu eu l’idée de ce jardin ?

Ce jardin est né d’un événement un peu triste, puisque l’ancien jardinier avait mis le feu sur une petite partie brûlant ainsi des escargots. Son geste m’a permis de réaliser que ma démarche d’artiste intègre aussi la notion de réparation. J’attendais de pouvoir restituer de l’espace aux vivants, j’attendais le prétexte à la restauration. Ce jardin je l’ai imaginé un peu comme un refuge. C’est aussi une façon de prendre soin du vivant et d’inviter les visiteurs à faire attention à l’autre en regardant attentivement autour d’eux.

 

Comment as-tu commencé ce jardin ?

Tout d’abord, j’ai dessiné la parcelle car cela me permettait de poser l’espace. J’ai fait des plans pour positionner les plantes, plans que je n’ai pas forcément suivis au moment de planter. Ce sont les cheminements humains que j’ai définis en premier et le titre a suivi peu après. Ici, j’ai donc ouvert une parenthèse « hors de notre monde commun ». C’est en lisant Apprendre à voirle point de vue du vivant d’Estelle Zong Mengual en 2021 que j’ai eu envie d’interroger la notion de « monde commun ».  Et ce livre m’a confortée dans l’idée que « voir » cela peut et doit s’apprendre car nous prenons bien trop souvent la vision pour acquise. L’auteure m’a aussi amenée vers d'autres questionnements.  Est-ce que « le monde commun » intègre tous les êtres vivants ?  Ou s’agit-il d’un monde imaginé par des hommes pour des hommes ?

Ensuite, pour l’aménagement de ce jardin j’ai travaillé le sol pour le préparer avant l’arrivée des plantes et j’ai trouvé des coraux enfouis. Intuitivement j’avais imaginé une plage pour les lézards dans cet espace et plus j’avançais dans mon projet et plus je trouvais des éléments qui m’encourageaient dans cette voie. Je me dis souvent que cette plage était en dormance, un peu comme une graine qui attend le moment propice pour germer. J’ai imaginé ce lieu à destination des escargots, des lézards et des oiseaux, des plantes pour qu’on définisse ou interroge la notion « d’espace public ».

 

Pourquoi avoir choisi la couleur pourpre ?

C’est toujours un peu difficile d’expliquer un choix qui nous semble intuitif. Pourtant, je me rappelle d’une série de photographies anciennes du jardin de la maison qu’on m’avait montrées. Une seule teinte ressortait sur ces photographies, c’était les couleurs rouge, violette et mauve. Cette image, sans que je m’en rende compte, s’était ancrée dans ma mémoire pour ressortir plus tard dans le feuillage des plantes. À travers l’utilisation de cette teinte, je voulais aussi que l’on puisse remettre en question tout ce que l’on pense savoir du jardin, redonner du pouvoir aux plantes, aux êtres vivants qui l’habitent. Et puis il y a tout simplement une dimension magique dans cette teinte, le pourpre semble nous relier au ciel et à l’imaginaire, elle nous émerveille aussi en nous sortant de notre jardin commun.

 

Pourquoi y a-t-il des coraux dans cet espace ?

Les coraux étaient déjà là, ils étaient enfouis dans le sol.

Il y avait beaucoup de coraux car ils étaient probablement transportés ici pour tapisser le sol des allées menant à la maison. Je voulais faire une plage pour les lézards et lorsque j’ai trouvé les coraux, j’ai décidé de les nettoyer afin de les remettre dans l’espace du jardin. Ces coraux sont un peu un fragment de l’histoire de cette maison, de ce jardin, il nous rappelle que nous sommes sur une île, que même dans ce jardin l’océan Indien n’est jamais loin.

 

Est-ce que tu penses que les lézards, les oiseaux, les escargots apprécient le confort ?

Je pense que tout dépend du sens que l’on donne au mot confort. Ils apprécient certainement d’avoir un espace où circuler à leur rythme. Par contre, je ne peux pas encore vous dire si la plage ou les bassins leur apportent un sentiment de bien-être particulier, mais je l’espère.

 

Quelle place accordes-tu aux visiteurs ?

Le visiteur est un invité, il est celui qui se déplace pour aller à la rencontre de l’autre. La qualité du moment qu’il passera dans ce jardin dépendra du temps qu’il souhaite y passer et de l’attention qu’il lui portera.

 

As-tu réalisé ce jardin seule ?

Durant la première phase d’observation, j’étais souvent seule. Ensuite, j’ai fait appel à Ulric Grondin qui m’a aidée à mettre en place le cheminement et la passerelle qui organisent cet espace. J’ai également invité Romain Nativel, qui est jardinier paysagiste, il m’accompagne dans le choix des plantes et pour définir les emplacements les plus adaptés pour elles. Il y a aussi les collectionneurs de plantes qui m’ont donné ou vendu les plantes pourpres que je ne trouvais pas en pépinière. Le jardin est souvent un geste collectif qui se déploie grâce à l’entraide.

 

Comment prendre soin de ce jardin ?

À mon avis,  tu dois d’abord le regarder avant d’agir, cette action peut sembler évidente mais elle est pourtant vitale. Un jardin que l’on regarde, c’est une diversité que l’on observe, ce sont des individus que l’on apprend à reconnaître. Ce sont aussi des êtres vivants avec qui l’on tisse du lien, que l’on apprend à aimer pour mieux les préserver.

Regarder, c’est se souvenir de leurs feuillages quand ils sont en pleine forme pour comprendre quand ils sont malades, quand ils manquent d’eau. Regarder comme un jardinier, c’est aussi savoir se pencher et prendre des nouvelles du sol. Le jardinier taille comme un artisan d’art, il sculpture les détails, accompagne les formes sans les contraindre et il accompagne ses gestes dans la douceur, chaque pas est mesuré, il est le prolongement du jardin.

Biographie : 

Tatiana Patchama est née en 1982 à La Réunion.

Titulaire d’un Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique et d’un Master en Hypermédia, création et éditions numériques (L’Ecole des Beaux-Arts de La Réunion et Université de Paris 8), obtenus en 2006. Depuis 2013 elle développe l’Atelier Ti-Pi, un espace de création associant ses recherches de plasticienne et ses compétences de scénographe. 

Elle réalise en 2015 sa première exposition personnelle intitulée « Terrain vague à usage poétique » dans la galerie du Téât. Le Conseil Départemental lui confie de 2015 à 2017 la scénographie du Bonheur des Enfants dans le Jardin de l’Etat qui s’étend sur 4 hectares. Puis elle conçoit en 2016 « Jeux d’Artifices », une exposition jeune public réalisée en partenariat avec le Frac Réunion (Fonds Régional d’Art Contemporain), présentée à trois reprises à La Réunion, à Maurice et à Madagascar. En 2017, une nouvelle exposition intitulée « Cétacé mystérieux » voit le jour au Musée Stella Matutina, pour le compte du Conseil Régional. Celle-ci partira en itinérance dans l’Océan Indien de 2017 à 2018. Le conseil Régional, lui propose en 2020 et 2021 de concevoir la scénographie associant la collection du musée du Louvre et celle du Musée des Arts Décoratifs de l’Océan Indien dans une exposition intitulée « De l’utile à l’agréable ».

L’artiste scénographe s’interroge sur le lien que l’Homme tisse avec la « Nature ». Elle réactive notre imaginaire d’enfant en nous plongeant dans des installations immersives où le végétal et l’animal se mélangent. Elle provoque la rencontre entre l’œuvre et le public via des outils de manipulation ou d’observation les encourageant à prendre le temps d’entrer dans les détails et devenir ainsi le prolongement de l’œuvre.

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